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culture et cultures - 2 -

17 Mai 2013, 06:47am

Publié par pam

J’ai eu de très beaux résultats certaines années où mon activité professionnelle m’éloignait de longs mois durant de mon jardin, et de grandes joies à découvrir des légumes ou des fleurs noyés sous une profusion de “mauvaises herbes” envahissantes. J’ai passé de magnifiques moments assise par terre à trier les cailloux et les racines des squatters, sans outil, à pleines mains dans la terre, alors que mes douleurs physiques m’interdisaient même de porter le poids d’une bêche... alors l’utiliser !!!

Et le résultat était positif, l’été suivant, tout en m’ayant permis, en passant des heures au contact de “ma” terre de me sentir utile pendant ces jours de grandes douleurs handicapantes à l’issue desquelles je retrouvai le bonheur d’une saine fatigue le soir, d’un appétit revenu et d’une sérénité reposée. Qui n’a pas “travaillé” un jardin, ignore que, comme nombreux travaux manuels, pendant que les mains s’activent, entraînant le corps tout entier, l’esprit est libre, disponible, porté à la méditation et à la philosophie.

Les résultats tangibles du travail au jardin ne se limitent pas à la récolte des fruits, légumes, aromates, fleurs ; on peut y trouver le bonheur d’être utile et constructif, l’amour du travail bien fait, la joie de réaliser et cette possibilité de faire le point sur soi et sa vie, d'éliminer stress et mauvaises pensées envahissantes.

Et on réalise une œuvre créatrice, dévoilant un sens artistique quelques fois inconnu de soi ou jamais exploité, et ce en symbiose avec la nature. Et ça nous rapproche des premiers hommes dans une communion simple, primaire, essentielle avec votre environnement... et combien équilibrante !

Et que dire des discussions fortuites avec quelques vieux du village qui “passaient” par là, intrigués par mes méthodes et curieux voire moqueurs quand aux compétences possibles d’une parisienne aux cheveux rouges (j’étais déjà dans le Lot depuis plus de 20 ans mais mon accent de la capitale aussi ... obstacle à mon intégration comme mon métier d’artificier, comme mon choix de vie solitaire, comme mes activités de bricolage, jardinage, maçonnerie et autres travaux d’aménagement trop peu féminins manifestement à leurs goûts...). Quand vous jardinez, vous avez non seulement la tête libre pour philosopher mais vous pouvez aussi tenir une conversation d’autant plus facile que chacun a son avis à donner sur les plantes à privilégier, les bonnes places pour chaque chose selon l’orientation, les vents et les habitudes ancestrales. Et ainsi j’ai appris que quelques dizaines d’années seulement avant ma venue en ce lieu, les anciens en gardant les bêtes avaient coutume de greffer les merisiers sur les talus, multipliant les récoltes de cerises à la belle saison, comme les bons coins à champignons (qui se taisent eux, limités au seul “en par là”) ou à fraises des bois (qui se partagent surtout avec les enfants). Si vous voulez vous installer à la campagne, sachez que le meilleur vecteur à votre intégration sera vos enfants, et ensuite, juste derrière, votre jardin ou ce que vous en ferez. Et on vous attendra au tournant, au moment de la récolte, si vous vous éloignez trop des habitudes locales en plantant des incongruités (nouvelles espèces, plantes inconnues du lieu, variétés trop exotiques) comme on m’a attendu goguenards sur la place du hameau le premier matin suivant une nuit d’orage après que j’ai refait ma toiture, histoire d’être premiers à colporter la bonne blague d’une nuit passée à éponger voire à installer les cuvettes au grenier... mais aussi prompts à fêter l’événement d’une étanchéité parfaite par le partage d’une belle bouteille de ratafia ! Scellant par là l’intégration de la nouvelle voisine enfin soulagée, acceptée, du moins pour son travail, et c’est bien le plus important chez ces gens proches de la terre qui savent bien depuis toujours que l’on n’a rien sans rien, et qui stoppent leurs critiques dès qu’ils peuvent reconnaître le vôtre.

La vieille Madame Viazac, ma meilleure voisine, m’a raconté le village chaque jour lors de ses promenades (conseillées par le médecin pour soulager ses jambes douloureuses) qui invariablement faisait la pause devant chez moi quand je jardinais, me conseillant, me racontant sa vie d’avant, plaisantant sur les tonnes de cailloux que je remuais pour planter mes fleurs, les appelant l’or du Causse car c’est bien le seul trésor que cette terre ingrate nous offre... Encore que nous sommes environnés de sites préhistoriques prestigieux et que chaque jour j’ai rêvé d’une découverte concrétisant la réalité d’une habitation préhistorique là même où je vis. Je sais que proche de chez moi, des agriculteurs soucieux de leur tranquillité ont recouvert de tels sites, l’entrée d’une grotte par exemple, de quelques charrettes de fumier ou de cailloux, préférant la paix à l’envahissement de ces messieurs de l’Université ! Combien de Lascaux, de Pech-Merle sont ainsi retombés dans l’oubli et combien de fois au fil des siècles qui nous séparent de nos lointains ancêtres Cro-Magnons ? Et si par hasard, ma maison fut construite sur une de leur sépulture, un de leurs lieux de vie, il me plaît de penser qu’ils dorment en paix sous moi qui dort en paix sur eux. Souvent les rêves n’ont pas besoin d’être concrétisés pour être les plus beaux.

Et, rêveuse invétérée, je me retrouve régulièrement assise par terre, nettoyant une dalle de pierre affleurant, pour en trouver la fin et peut être ainsi découvrir l’entrée d’une grotte imaginée juste sous mes pieds. Je gratte, je racle, j’arrache tout ce qui pousse pour enlever la terre et retrouver la pierre dessous. Et quelques heures plus tard, d’un affleurement de quelques centimètres carrés, je découvre une dalle de deux mètres carrés au moins qui s’enfonce d’un côté, se termine en arête d’un autre, gardant pour elle son mystère, son secret, mes ongles usés jusqu’à la peau, les doigts, les bras douloureux, le dos en feu, évaluant incrédule le nombre de vies qu’il me faudrait consacrées toutes entières à ce labeur de nettoyage de siècles de poussières d’étoiles, de sable du désert porté par les vents, d’humus accumulé et auto-entretenu par la végétation du Causse. Un hectare et demi c’est bien trop pour une personne seule, dans certains pays on vit à une centaine là-dessus et moi je suis seule avec mes lubies... Et le rêve reste un rêve, le mystère reste, je ne découvrirai pas encore aujourd’hui la trace de mes ancêtres préhistoriques. Demain peut-être si j’ai la pêche, la semaine prochaine quand mes ongles auront repoussé, jamais si mon dos me lâche.

De temps en temps un abruti me dit qu’il me serait si facile à moi l’artificier de mettre un baton de dynamite dans ce trou que j’ai découvert, étroit, profond (je n’ai dégagé que la longueur de mon bras, allongée à plat ventre, mais plein de potentialité puisqu’un jour j’y ai vidé la totalité de l’eau de la piscine (une dizaine de baignoires au moins, sans pour autant que l’eau ne déborde de ce trou). Comment même envisager de faire sauter à la dynamite ce qui pourrait être un trésor caché ? Alors, qu’y a-t’il dessous, une grotte ? un simple passage vers la nappe phréatique ? les restes d’une habitation datant de 10 000 ans ? des peintures, des objets, des restes humains ? une source d’eau pure permettant la réalisation de mon rêve de larguer la Compagnie des Eaux, exploiteuse, pollueuse, si onéreuse pour mon petit budget...

Ou juste un rêve ?

Un sculpteur lotois a un jour, en vue d’une exposition de ses œuvres, nettoyé les dalles de pierre dans son jardin, j’ai vu le reportage réalisé par la télé régionale : un véritable paysage miniature, des canyons, des vallées, des éperons rocheux, un paysage magnifique minéral, incroyable. Il semblerait que depuis, il nettoie ses pierres années après années, jour après jour.

Je ne sais s’il a posé ses œuvres dessus, mais pour moi son chef d’oeuvre, c’est celui qu’il a découvert sous ses pieds.

Je l’ai expérimenté à plus petite échelle : les mousses, lichens, herbes folles et mêmes arbustes reprennent leurs places en quelques mois. Ce qui signifie qu’en 10 000 ans, ce sont des mètres cubes qui sont ainsi accumulés. Mais il faut le voir pour le croire. Qu’un jardin retourne bien vite à l’état sauvage sans entretien, on le sait, mais que des plantes réinvestissent si vite un rocher soit disant stérile, ça c’est hallucinant. Après tout, tant mieux, ça laisse peut être un espoir que la Terre puisse un jour se soigner du mal que lui font les humains, tant de mal depuis un siècle. Tant de honte sur nous, sur notre civilisation. Je vois là l’inverse du travail de sape de l’avancée irrépressible du désert de sable en Chine ou en Afrique, des méfaits humains, agricoles, miniers ou chimiques, de la désertification due aux plantations ravageuses pour l’huile de palme au détriment de toute autre espèce végétale, à la déforestation, bref aux excès de l’homme avide et irréfléchi.

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